L’odeur de la fève tonka.
Les vases communiquants.
« Pourquoi ne pas imaginer, le 1er vendredi de chaque mois, une sorte d’échange généralisé, chacun écrivant chez un autre ? Suis sûr qu’on y découvrirait de nouveaux sites… ». Ainsi sont nés les Vases Communicants, à l’initiative de François Bon.
Aujourd’hui, j’écris chez Anna de Sandre sur son blog Biffures chroniques ,
et j’accueille son texte ici.
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L’odeur de la fève tonka
J’évite la rue de la Chouette, où une vieille gosse tire en laisse un singe soyeux recousu derrière les deux oreilles. On peut l’appeler Lola, Anne-Charlotte ou pourquoi pas Mama Bouba. Son nom, son âge, elle ne s’en souvient pas depuis les Nuits des Gros Couteaux.
Elle a cassé la branche d’une famille où ça vit des mille et des cents, où ça oublie de crever et de léguer de la poudre sèche sur les pistes de glace, du zig-zag dans la course d’un monarchiste en fuite et des nuances dans le sifflet d’un mockingbird.
Elle dit pour ne pas perdre la face – après avoir déjà perdu la tête – qu’elle veut créer un autre espace Schengen, un tout petit qui respirera par des artères serrées entre les pierres des bâtiments où elle mettra de chaque côté un bar à soupe et un bar à eau, le premier Zanzi et le deuxième Cinna.
Sur sa chair ferme au grain déjà putrescible, il y a l’odeur de la fève tonka, cuite aux rayons de mille soleils.
Mille révolutions d’un astre faiblard, empêché par les arbres plantés un peu tôt de brunir sa peau, par la fenêtre de son bureau sur lequel elle gratte (il est au fond du couloir la dernière porte à droite)
Je sais que les hommes et les garçons de son ancienne maison ont tiré fort sur un drap grossier. Tous les gars de cette capitainerie suaient dessus, devant la bâtisse où elle avait passé une dernière nuit dans le faible, l’obscur et l’humide à écrire pour ne plus sentir l’odeur poisser entre les douches et les linges propres, et à tirer des lignes au stylo à défaut d’être de la lignée.
Se reconnaître par le choix d’un nom de plume, collée pleine de merde encore au cul de l’œuf d’où elle voulait sortir pour naître légale, oui légitime et officielle, et qui sait peut-être par la presse d’un imprimeur.
Tu pues, bâtarde ! (elle le savait).
La senteur de vanille était des armoiries d’une étrangère et son faux père, ses faux oncles et ses faux frères jouaient pour une nuit à passer avec elle, jouaient à reculons les poings serrés sur ce foutu drap pour gagner et l’emporter, faire un trophée de son amande et puis cracher sur son visage.
Les rares fois où je la vois, je baisse les yeux et presse le pas, car je n’ai rien fait pour qu’entre la lumière dans ces nuitées et dans son con déchiré.
Je la voulais tant moi sa bâtisse, ils m’ont dit Tu te tais (j’étais en bas), on te la vend et on disparaît.
Une fois je l’ai croisée dans cette rue de la Chouette, où (je ne sais plus qui me l’a dit) elle rêve sur ses commerces en comptant avec ses pas. En me pressant à sa hauteur, j’ai coulé un bref regard et j’ai vu ses narines frémir, parce que moi aussi, je sens la fève tonka.
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(Anna de Sandre, Biffures chroniques ).
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Voici la liste des autres participants à ces échanges de mars :
Luc Lamy & Anna de Sandre
Mariane Jaeglé & Gilles Bertin
Eric Dubois & Patricia Laranco
lignes électriques & chroniques d’une avatar
futiles et graves & Kill that Marquise
Christine Jeanney & Arnaud Maïsetti
Michel Brosseau & Juliette Mezenc
Frédérique Martin & Denis Sigur
Nathanaël Gobenceaux & Jean Prod’hom
Florence Noël & Lambert Savigneux
Pendant le week-end & quelque(s) chose(s)
Anita Navarrete Berbel & Anna Angeles
… Bonne découverte.
« sa chair ferme au grain déjà putrescible » je ne vais pas m’en remettre …
pour le reste, j’ai besoin de relire. Reviendre.
@Luc. Comme d’hab’, je trouve que vous mettez pas assez de femmes à poil depuis quelques temps… Mais vous faites comme vous voulez après tout.
[…] Laranco lignes électriques et chroniques d’une avatar Christophe Sanchez et Yzabel Luc Lamy et Anna de Sandre futiles et graves et Kill that Marquise Christine Jeanney et Arnaud Maïsetti […]
Elle est violente celle-là. Il y serpente, larvée, une colère que j’ai déjà perçue par intermittence dans ton travail, nécessaire et incisive. Elle s’inscrit dans l’image définitive de ce « con déchiré ».
J’ sais pas, j’ai toujours un problème avec les militants… quels qu’ils soient… j’ devrais pas l’ dire mais bon, j’ peux pas m’en empêcher… d’autant plus dommage qu’il y a des lignes que j’aime bien. J’ trouve que c’est pas l’ terrain de la littérature. Bon, ok, j’ suis con et j’ pige rien.
Reviendre … Il me faut au moins trois lectures à moi. Toujours cette exigence demandée au lecteur, puis cette violence insinuée de viol, de hors la loi, d’engendrement volé qui se brouille dans les venelles parcourues avec, à l’angle dépassé, soudain, un éclat de soleil rare, et un sentiment diffus de n’avoir pas été à la hauteur.
‘Tain y a kékune chez moi qu’a écrit sur mon mur que je venais de repeindre… M’en vais lui fiche mon billet, chez elle, moi !
RrrrooohhhHHH !!! (c’est le refrain )
colère, oui, nécessaire, d’accord avec Frédéricque M, tout pareil aussi
Faut que je relise moi aussi. D’ores et déjà j’aime cette écriture par associations. Mais comme d’hab, pas tout compris. Bon allez je vais relire (c’est pas comme si il y avait cinquante douze textes à lire aujourd’hui).
@Kouki : m’enfin ? :o)
@Monch’ : y’a des blogs « interdits au moins de 18 ans », vous voulez des liens ? 🙂
@Frédaime : oui, j’ai fait ce texte pour le démarquer des thèmes sur l’enfance qui sont chers à Luc et à moi. On y trouve quand même le thème de l’identité qui est récurrent chez moi.
@Monch’ : de quel militantisme parlez-vous ? Vous savez, la littérature de l’allégresse à la d’Ormesson m’ennuie profondément (excepté Bobin à une époque). Donc dans mes textes, j’aime bien que les personnages soient un peu accidentés, voire un peu salauds. Ici, il y a « une accidentée », et un(e) narrateur (trice) à la première personne du singulier qui a un comportement pas très flatteur. Je ne savais pas que pour vous la littérature c’est le chant des oiseaux et les histoires d’amour qui finissent bien avec beaucoup d’enfants. Vraiment ça m’étonne, au point que je pense n’avoir pas compris votre commentaire ? 🙂
@Kouki : 3 fois, avec tous les textes qu’il y a à lire sur les blogs ?
@Luc : mais c’est qu’il le dit et qu’il le fait en plus ! (tu sais que tes textes sont mieux écrits chez les autres ? chez Enfantissages aussi c’était magnifique)
@cjeanney : t’es mignonne habillée en pareil.
@Enfantissages : cinquante-treize en fait.
@AdS. D’ailleurs, mon morceau de littérature préféré c’est « Oui-oui fête son anniversaire » mais le gâteau bouffé à la fin m’a traumatisé pour la vie. J’aime bien cucul et compagnie. C’est connu. 🙂
Ah moi, je suis un inconditionnel! Et j’ai pris le temps de lire. Vous dites, Anna, problème d’identité. J’ai l’impression qu’il y a plus, en plus, bien plus en plus… J’apprécie cette perception si sensible des êtres, ceux que je ne peux pas regarder trop longtemps, que je fuis même… Certaines images, leur abondance peuvent agacer certains, moi je perçois toujours le même souffle, le même style, la même force…
Et je trouve que vous écrivez mieux chez Luc! pas de jaloux! 😉
beau, dur, un peu d’étrangeté comme voile, ai bien fait de faire longue pause avant de m’en venir
houlà, c’est vif et acéré. J’aime. Il ont quelque chose d’attachant les gens qui sentent la fève tonka. Cette chose même qu’ils ne voudraient pas qu’on leur reconnaisse.
Un texte fort où les images et les mots sont violés, violents…
Ça agite. Ça a un parfum qui se loge bas dans le ventre. Ça amertume et colère. Ça me plaît.
Ouahou !!!!!!!!! Anna, j’adore cette facette de ton écriture……… j’ai comme l’impression que c’est plus qu’une facette…… je ne l’ai lu qu’une fois mais il y a une force qui outrepasse toute raison, tout charabia explicatif (et je suis fort à ce jeu). Un style quoi. Du vital. Vas-y Anna.
@Monch’ : cucul en compagnie ? (ok, je sors)
@Depluloin : moi je trouve que « pour chez Luc » j’aurais pu écrire un texte plus doux et consensuel, il est vraiment galant de le publier sans commentaire.
@Brigetoun : merci de votre visite.
@rf : oui, certaines gueules cassées dégagent un charme spécial.
@Jonavin : merci de ta lecture, je n’aurais pas cru que ce texte te plairait.
@Denf’ : je ne sais pas pourquoi mais cela ne me surprend pas.
@Gibi : C’est vrai ? comme Jonavin tu me surprends, je ne pensais pas qu’il te plairait.
Si prévisible? Vous avez raison, Anna, je suis constante… en amour 🙂
@AdS. J’ai honte pour vous… même si ça m’ fait rire…
Mais il est où son Luc? J’ai à lui parler? Rôooooooh! T’es où?!
Frédaime m’a tuer.
Hé? Gnagna? Il est où ton frère?
Non mais j’ai à lui causer!!
Allez!!
D O D O ! ! !
ROOOOOOOOOOOOOOH!!! Quel flemmard c’uilà!!! Luuuuuuc? … Coucou?? … Allez quoi….
Pfff
Hé! T’es où? Je dormais et tu me réveilles!! On mange un morceau? Je dois mettre une buche dans le poêle! (T’es fou, un point, c’es tout!)
@mon chien aussi : je vais faire des efforts, promis !
@Anna de Sandre : z’avez vos papiers ?
… Faut vraiment tout lui esspliquer à monch. pfff ! même moi j’avais compris en dix-septième lecture ;o)
… Et Deluloin est parti pour s’apppeler Deplus-bien plus en plus, il doit se méfier.
@Depluloin : il est là mon p’tit Deplus-bien plus en plus
@Pôvre Luc : j’arrive avec les sels !
@Depluloin : Deplus en plus je suis là… qu’est ce t’as ta ? ‘um cherch’ ? vien-z-y voir si lu loze… En garde ! schl-schlickq » » !!!
re@ Anna de Sandre : pour l’anecdote j’ai senti ma première fève Tonka il n’y a pas si longtemps (entre noël et nouvel an pour tout dire…) j’en suis resté baba d’émotion… Le shoot de ce machin odoriférant qui te colonise les fosses nasales est absolument impressionnant, le souvenir se met en place instantanément se classant d’emblée dans les vanilles, cardamones, badiane et consoeur en tête du classement de l’ennivrant, de l’exotisme, du lointain…
Drogue à sniffer sans modération je regarde mes douze fèves dans leur pot comme une richesse inestimable attendant le moment d’en cuire une dans un dessert…
Quel étonnant petit objet de désirs inavouables.
Sinon ton texte, je ne vois pas trop ce que tu lui reproches,
en première lecture je me suis directement laissé porter jusqu’à ce terrible final de lâcheté de l’âme qui met tellement mal à l’aise lorsqu’elle est avouée en public …
Le cynisme est alors en marche,
faisant ses ravages,
ébranlant les certitudes
Lourd héritage de cette maison où l’odeur de fève ne partira jamais.
Je ne voudrais pas être à sa place.
Je l’aime bien ce texte…
Même avec les défauts indéfinissables,
peut être que nous ne sommes que deux à connaître la vraie odeur de la tonka ?;o)
… Et je te l’ai dit,
dans mon prochain billet il y a des similitudes troublantes sur … L’identité et l’enfance .o)
(autant prévenir qu’il y aura un ou deux « à suivre »,
que je ne le livrerai en pâture qu’en distillant… o)
Au fond du couloir labyrinthe, la dernière porte à gauche (inutile d’aboyer à la politique), se trouvera-t-il enfin un(e) moins borgne borné(e) pour vous éditeR ???
@Luc : ça alors ! Bon soyons sérieux 5mn, il est où ce prochain billet ?
Il y a la douceur des parfums et l’âpreté du malheur.
SI bien évoqué, avec un tel liant.
D’acc’ avec JEA.
Et chtoc.
Sophie tu m’agaces, je te dis que c’est une sombre bouse !
@Anna de Sandre : bouse pas z’arrive dit le zébu Zéplussoaf.
(comme ça c’est fait, je m’en grille une dehors ).