Stefano Ricci.
« Maman sera contente du zoli dessin que je lui fê…
Faire des grosses taches avec mes doigts…
Et pi mettre encore de la couleur là,
et pi là encore. »…
C’est ce que se disait, en substance le petit Stéfano en 1973, dans sa chambre de môme, parce que le bonhomme n’a jamais arrêté, depuis l’enfance, de dessiner et de peindre.
Comme Lorenzo Mattotti, Alex Barbier ou Nicolas de Crécy, il invente sa propre technique, en toute liberté. Coloriste éblouissant, au hasard de sa petite cuisine, Stéfano Ricci se joue des moyens techniques, passant indifféremment du bâton de pastel gras à Photoshop en revenant aux collages en opacité ou en transparence sur «cellos».
D’abord, il y a le papier. C’est dans un (beau) carnet de croquis noir, offert par un ami, un carnet carré (24×24), que Stefano Ricci commence à dessiner.
L’ami Ricci est Italien, et la pasta ça le connaît !
Il y a un plaisir à travailler, aller, venir et revenir sur sa surface, prendre une autre feuille, repartir sur la première, aller en aval dans le carnet croquer, crobarder… Cuisiner, car c’est de cuisine dont il s’agit...
Les œufs et la farine, d’abord, avec du sel, pour la pâte;
malaxer, triturer, pétrir, fatiguer le mélange à même le marbre afin d’obtenir bonne consistance.
Intérieur et extérieur ont égale importance, accent sur le repentir et la correction-modification du dessin.
Le blanc et le noir se répondent constamment et dialoguent; la ligne, tantôt sinueuse et nerveuse, laisse place, lorsqu’elle s’engraisse, à de gros pâtés en forme de bols ou de taches.
… Travailler la pâte à la machine, le rouleau à pâtisserie étant inapproprié pour cette besogne…
La transformation atteint toutes sortes d’objets : les ressorts de pince à linge, les chaises, les tubulures et les voitures…
Mettre les rouleaux de tagliatelles en place.
C’est par gauchissement de ces formes et une utilisation de la dissymétrie qu’il fait tenir sa page; la fermeture du carnet donnera , par endroits, de très légers monotypes qui serviront de liant graphique au tout.
Faire chauffer une grande casserole d’eau froide (toujours froide!).
Dans ces dessins, peu de profondeur de champs, plutôt maculas et sismographies qui se répondent.
On aura soin de choisir de belles grandes feuilles de basilic, comprises les fleurs et la fin des tiges,
très légèrement griller les pignons de pin (…jamais assez !) avant de les mélanger aux quatre à cinq
pointes d’ail.
L’ensemble met l’accent sur la non narration… pas de texte, des signes, des formes, le lecteur se crée sa propre histoire au hasard des pages.
Le palimpseste de la page précédente, par transparence, joue le rôle de fondu enchaîné.
…Et puis de l’huile, première pression à froid, (…jamais trop !)
Le peccorino est mélangé au dernier moment, soit en copeaux, soit râpé. Ne pas oublier une cuillère à soupe de gros sel marin.
Peut être qu’un peu de pigments mélangés au bâton d’huile donnera une matité à certaines surfaces.
…Les pâtes fraîches cuisent moins longtemps, chaudes, égouttées, verser le pesto et mélanger le tout,… toujours mélanger la sauce avant de servir.
De la bougie aussi, des graines de pavot trouvées dans la cuisine.
… Un tour de moulin à poivre.
Pour les non puristes, on pourra parsemer d’éclats de tomates séchées (peu !…) et de fines tranches de pancetta revenues à la poêle (bien !).
« Stefano !… a tavola !…» dit sa mère depuis la cuisine.