Archive for the 'lambeaux' Category

La ‘iviè’, la ‘iviè’, je veux a’yé à la ‘iviè’ !

On l’avait retrouvé
à la brune
au bord de la route
errant et zigzaguant
répétant sans cesse :
« La ‘iviè’
la ‘iviè’
je veux a’yé
à la ‘iviè’
‘evoi’ la fée de la ‘iviè’
dans la lumiè’
des fougè’ et des ‘ochers »

Il délira
malgré les sédatifs
toute la nuit
aux urgences d’Alès.
Au matin
la chambre était vide.
Sans doute était-il reparti
« à la ‘iviè’
‘evoi’ la fée
de la ‘iviè’
dans la lumiè’
des fougè’  » ?

Pauvre gars !







(Judith).

Tout petit déjà…


(Peter Lindbergh)

Des fois maman devait aller me rechercher à Macapète city pour me ramener de mes explorations séléniennes.
Dame ! La brousse, derrière la maison, était grande et je n’avais pas de montre. Je crois que c’est à l’époque que j’ai décidé de devenir explorateur et que, plus tard, je serais inventeur aussi.

La touque.

Par grande soucoupes,
flic-flac,
elles tombaient au hasard
criblant le béton du chemin
de flaques liquides :
sous les impacts répétés,
l’herbe pliait puis revenait à sa forme initiale,
la latérite explosait en poudre pâle
pour retomber rouge-brique.
Petit Diogène dans son bidon,
renversé pour ne pas prendre l’eau,
Wispra,cachée derrière la haie
n’en perdait pas une miette.
Blottie à l’abri de l’averse tropicale,
la tête au ras du sol,
humant les senteurs fugitives et particulières
des tropiques,
son oeil,
déjà photographique,
changeant la focale
elle se laissait envoûter par le spectacle.
Observant
silencieuse
les fourmis affolées
cherchant l’issue de leur terrier
entre les ruisselets tentaculaires
aux géographies incertaines.
Elle ne perdait pas de vue le jeu de cache-cache avec « les autres »
mais pour le moment elle jouissait
de la mise au point
sur les graminées, les insectes et les ruisseaux.
Le contraste du vert et du rouge.
Le martèlement des gouttes sur la tôle du fût.
La térébenthine de la mangue.
Ses sens gravaient,
à jamais.

Sûre qu’en rentrant,
avec sa robe trempée
et souillée de makala (*)
elle se ferait engueuler par sa mère :
– Fichue ! Ajouterait celle-ci
(toujours à dramatiser)
Flic-flac !
Elle se ramasserait sa paire de claques
sans broncher
et filerait se changer.

Sa satisfaction grandissait,
avec les fleuves.
Les autres,
trop couards,
ayant perdu,
devaient avoir mis le holà au jeu,
avec la pluie.
Elle pouvait rentrer à présent
ou se salir, encore,
et regarder la débâcle des Myrmidons.
Elle choisit de rester.

N’empêche !
Gontran aurait perdu.
Jamais ce nigaud n’aurait pensé à la chercher,
là, dans la touque servant au barbecue dominical.

Quinze ans plus tard,
à L’Archiduc,
Life On Mars passait dans les baffles ;
Bruxelles,
pour elle,
était en effet comme Mars.
Gontran,
devant elle et son mojito,
n’avait pas changé.
Toujours aussi empoté,
largué par sa meuf,
il s’entortillait dans un plan drague…
Pathétique.
« Flic-flac » pensa-t-elle.


(Pour Marion S.)

(*) charbon de bois.

Waza.

Dans la nuit
Waza silencieuse et noire
brille au loin
de ses petits yeux fixes

Le peu d’air,
interdit de fraîcheur,
assèche la gorge.

Pulsations de quelques palmiers.


Insectes et chauves-souris
ébouriffent le firmament
babouins et autres bêtes
sont là
invisibles.

Au travers du trop fin drap tendu
la table dure et étroite
de l’école Islamique
se rappelle aux vertèbres.

T’en ficherai des « nuits à la belle étoile » au milieu d’une réserve, en Afrique !

Peur,
ça oui !
D’être bouffé,
lacéré,
écartelé par quelques bêtes,
trop réelles,
trop cruelles,
aveugles en somme,
pendant la nuit.

Peur,
ça oui !


(Congo 1939, ma mère a seize ans).

L’exode manqué.

Il la racontait souvent cette histoire
l’exode avec ses trois copains ;
à seize ans,
perdus au milieu de nulle part,
dans la campagne Française,
à marcher depuis trois jours,
fuyant le Nord et l’avancée allemande
avec l’espérance du Sud…
Au détours d’un chemin
il tombèrent sur une patrouille Allemande
dont le chef demanda leurs papiers ;
voyant qu’il avait à faire à de jeunes fuyards
venus de Belgique
et qu’ils n’avaient rien à faire là,
le type éclata, écarlate, hurlant :
– Vichez le camps à la maizon tout dé zuite ou che fou fê sauter afec tes pompes !!!
Nos trois camarades,
n’écoutant que leur courage,
rebroussèrent chemin,
rentrant à la maison.

Ils se souviendraient longtemps
de leur « exode » manqué
et surtout de cette frousse,
une immense frousse.

Lui se jura que plus tard,
il irait dans le Sud !

C’est comme ça,
je crois,
que papa se retrouva en Afrique.

Des fois dans des classes de garçons.

Des fois dans des classes de filles.

Mais ça c’est une autre histoire.

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