Archive for the 'galerie d’Oultremont' Category
… C’est l’heure de vérité I
ça se passait dans une petite école communale à Schaerbeek début des années ’70…
Lors d’un court passage en Belgique.
Ilunga était le seul noir de la la classe…
Enfin ! quarteron pour être plus précis,
par sa mère.
J’étais son voisin de banc, et, arrivé en retard dans l’année scolaire l’instituteur avait jugé bon de nous mettre ensemble vu que j’étais en transit entre Congo et Cameroun.
Les créoles et les couleurs ça va ensemble: du haut de mes douze ans, j’avais flairé tout de suite le raciste rentré chez cet homme là…
De plus Ilunga était trois fois plus Belge que moi : lui était né en Belgique et y avait toujours vécu.
Moi j’étais le black dans le fond…
Black à part,
avec mes douze ans dans la savane à crapahuter après les singes!
… Là, c’était l’heure de vérité, bras croisés sur le pupitre,
le professeur demande à la classe de quand date, plus ou moins, le document qu’il montre sur l’estrade, « le couronnement de Napoléon » par David si mes souvenirs sont bons.
Un maximum de rouges, blancs et ors.
(le peintre avait dû avoir un prix sur les tubes,
pas possible autrement ).
… Silence inspiré des chères petites têtes qui s’intéressent très fort,
et de plus en plus,
à des particules invisibles, posées sur le bois du banc d’étude…
Des toutes-toutes petites choses sans importances
c’est fou ce qu’il y en a un nombre incalculable,
de ces choses là,
dans ces moments précis:
des particules élémentaires en somme !
Un oeil de veau au fond d’une coquille Saint Jacques entr’ouverte serait plus expressif…
Devant ce silence, le professeur réitère sa question :
– De quand date cette image ?…
Personne ne veut répondre ?
(en scandant les syllabes )
je vais désigner au hasard dit-il, laissant planer son regard sur les yeux de veau de plus en plus attentifs à ces animalcules décidément curieux,
forts curieux,
invisibles je vous dis
mais qui sont là,
l’oeil en pleure.
La Saint Jacques suinte sa peur liquide
C’est alors que son regard s’arrête sur son souffre douleur favori
Ilunga ?… Tu n’as pas une idée de la date ?
Ilunga ne bronche pas
il insulte silencieusement sa « particule élémentaire » comme un damné…
Cette chierie ne l’a pas protégé de l’oeil de lynx du prof…
Il devra trouver un autre exorcisme la prochaine fois qu’il y a une interro orale, au pied levé…
Ilunga, debout !… Répond à la question,
je ne vais pas te « mâââ’ger » fait-il avec l’accent,
comme pour le mettre à l’aise,
vieux reste d’un passé colonial discutable.
Dépliage de l’Ilunga, il était grand, le bougre, pour son âge.
. . .
Mais je vois l’heure qui tourne, il faut que j’y aille…
(à suivre ).
. . .
Six mois de ma vie pour avoir ses yeux vingt quatre heures!
Quoi de plus naturel que de prendre, pour illustrer mon propos, un « verre » de Roland Jadinon?…
Quel meilleur pastel pourrait mettre de la couleur dans cette grisaille et servir ce texte de Ponge?
(oui, Ponge, encore, je sais!)
Evidemment que Roland s’en est inspiré par la suite et avec quel bonheur!
autant de verres d’eau que d’instants d’observation, de contemplation.
Le temps s’arrête, l’eau étale dedans le récipient livre le secret des couleurs qui s’y réfléchissent:
à force de silence dans le regard,
l’espace dans lequel on se trouve se concentre tout entier dans ce microcosme transparent, cette « boule à neige » immobile.
.
(Roland Jadinon, avril 2000).
.
Le verre d’eau
.
Le mot V E R R E D ’ E A U serait en quelque façon adéquat à l’objet qu’il désigne…
Commençant par un v, finissant par un u, les deux seules lettres en forme de vase
ou de verre.
Par ailleurs, j’aime assez que dans V E R R E, après la forme (donnée par le V), soit donnée la matière par les deux syllabes E R R E, parfaitement symétriques comme si, placées de part et d’autre de la paroi du verre, l’une à l’intérieur, l’autre à l’extérieur, elles se reflétaient l’une en l’autre.
Le fait que la voyelle utilisée soit la plus muette, la plus grise, le E, fait également très adéquat.
Enfin, quant à la consonne utilisée, le R, le roulement produit par son redoublement
est excellent aussi, car il semble qu’il suffirait de prononcer très fort ou très intensément le mot V E R R E en présence de l’objet qu’il désigne pour que, la matière de l’objet violemment secouée par les vibrations de la voix prononçant son nom, l’objet lui-même vole en éclats. (Ce qui rendrait bien compte d’une des principales propriétés du verre : sa fragilité.)
Ce n’est pas tout.
Dans V E R R E D ’ E A U, après V E R R E (et ce que je viens d’en dire) il y a E A U. Eh bien, E A U à cette place est très bien aussi : à cause d’abord des voyelles qui le forment. Dont la première, le E, venant après celui répété qui est dans V E R R E, rend bien compte de la parenté de matière entre le contenant et le contenu, – et la seconde, le A (le fait aussi que comme dans OE I L il y ait là diphtongue suivie d’une troisième voyelle) – rend compte de l’oeil que la présence de l’eau donne au verre qu’elle emplit (l’oeil, ici, au sens de lustre mouvant, de poli mouvant). Enfin, après le côté suspendu du mot V E R R E (convenant bien au verre vide), le côté lourd, pesant sur le sol, du mot E A U fait s’asseoir le verre et rend compte de l’accroissement de poids (et d’intérêt) du verre empli d’eau. J’ai donné mes louanges à la forme du u.
(Francis Ponge, Le Grand Recueil)
.
Ceux qui voudraient en savoir plus sur ce grand modeste qu’est Roland peuvent aller voir aux pages 12,13 et 14 de cette interview recueillie par un collègue.
« … Précision du regard, jeu
de tensions chromatiques,
sensualité de la matière,
générosité dans la recherche,
il souligne ce que nous ne
parvenons plus à voir dans
notre environnement quotidien».
Blondinette et Ciragette… Suite en peluche.
A présent que vous connaissez Blondinette et Ciragette
Comment ça, vous ne vous rappelez plus?
(mais si, souvenez vous)
, ,
,ici, elles avaient trouvé une goyave
,et là elles jouaient à la marelle.
Ou encore elles parlaient de Degas
,et là Kodak entrait dans leurs vie
,en fouillant j’ai retrouvé ça aussi (la première prend la quille et la boule, c’est à ça qu’on la reconnait)
,et puis ici, encore sur leurs drôles d’échasses clip-clop
,là (ça vous revient maintenant) elles étaient à la pêche
,et là elles pendaient du linge
et enfin là (suite aux plaintes des voisins, j’avais changé l’avatar du blog).
Vous voyez que vous vous en souvenez maintenant.
Bon! je reprend,
ne m’interrompez plus.
De Rhodésie les parents avaient ramené un ourson en peluche…
Le bébé suivrait sans doute?
Je rappelle au passage que Blondinette est la moins brune des deux.
(çà, j’en suis fier, car je contracte en une seule phrase Marcel Aymé et Alphonse Allais qui sont mes deux chéris d’humour en littérature, je fais un clin d’oeil au passage à ce vieux Desproges qui, s’il vivait encore, aurait ô combien raison de me la jalouser).
Avec tous ces apartés j’ai oublié ce que je voulais vous raconter aujourd’hui…
Peut être que ça me reviendra demain?
ou pas.
La colle du samedi.
Pauline s’évertuait pourtant à ne pas dépasser les limites de son patchwork,
lorsque monsieur Blaise, l’instituteur, la colla le samedi matin.
S’appliquant à poser ses lettres dans les carreaux, elle recopia cent cinquante fois; « je ne dois pas dessiner pendant le cours d’instruction civique et religieuse. »
Le dimanche Pauline fut bien embêtée de ne pas aller au cinéma voir « zéro de conduite »,
doublement punie par ses parents qui avaient raté « à cause d’elle » cette journée avec les Dumortier sur le lac.
Ah! Pauline!
clic « zéro de conduite », la séquence complète.