« Ce que ses pauvres mains racontent » II (suite et fin).
Résumé de l’épisode précédent: il n’y en a pas.
Tu n’as qu’à regarder le billet d’hier qui est chargé d’émotions, de suspense et de quelques images qui te feront voyager…
Tout ce que je raconte, ici, se passe dans le triangle Bukama-Kolwézi-Lubudi.
Si elle n’en trouvait pas
la raison en était simple
le frai,
la faute au frai
elle ne trouvait pas de poissons.
parce que les bougres étaient loin,
en aval du fleuve,
où ils baisaient et se reproduisaient à qui mieux mieux
Il n’y avait plus qu’à s’asseoir et attendre que les deux cents autres tonnes providentielles daignent remonter le courant…
(T’as vu une pierre toi?)
… La barge serait remplie,
le contrat aussi.
Négociations,
chargements,
déchargements,
courses avec les piroguiers,
gamins au bord de l’eau fuyants et s’égaillants à l’approche de la barge,
(façon années ’50 les images précèdent le texte…
J’ai toujours aimé ces ancrages ringards de la situation que tu vois à l’image…
La télévision et le cinéma nous servent-ils autre chose actuellement?)
mais je m’égare, je vois que tu veux connaître la suite.
Seul détenteur de cette mémoire je peux te dire qu’il y avait
des bancs de sable…
Ils ne fallait pas s’enliser!
ou les remous, lorsque le barrage relachait ses eaux.
Après les dangers de la rivière il restait à parcourir la longue savane où les éléphants passaient le plus clair de leur temps… Leurs « cartes de visite » encore fumantes en attestaient,ils étaient nombreux et peu de chance de s’en sortir quand ces animaux vous prennent en grippe.
Certains passage étaient étroits, la piste encaissée et la panne redoutée: seule et sans arme à la nuit tombante (vers six heures et demi, au plus, il fait noir comme dans un four) je ne te dis pas la peur qui peut te prendre quand le poisson émet ses effluves dans la fourgonnette et que les fauves flairent le bon plan…
Deux ou trois hyènes suffisent à te glacer les sangs et te font passer une « sacrée soirée ».
Nous sommes loin des jeux de vingt heures!
pour toi la nuit commence…
Avec ta lampe torche et ton feu allumé à la hâte, attendant le jour.
Sitôt débarqué le poisson à l’usine, elle filait rejoindre mon père, à cent cinquante kilomètres de là, pour étudier ma conception…
Néanmoins… en cachette!
vu que le grand père rôdait dans le coin…
Après ce chimiste Français, qu’il avait soupçonné des pires turpitudes,
ce n’était pas ce petit c.. qui allait lui enlever sa fille!
…
Et moi je reste là,
interrogeant la moindre image de ce huit millimètres
seul témoignage de cette aventure.
Epilogue:
De cette épopée elle gagna le pari, de justesse,
deux cents quarante tonnes en deux ans.
Imagine.
Le 17 décembre elle aura quatre vingts sept ans
peu lui chaut, elle ne se souvient de rien.
Elle a fait son travail comme elle continue de le marmonner à sa couverture.
J’ai du mal avec ta carcasse sans mémoire tu sais…
Quelle personne extraordinaire tu as été M’man.
A propos, j’ai revu Berquin…
Tu sais qu’il s’appelle Chengé maintenant?
et j’ai retrouvé ta barge près du pont de Bukama dans un bouquin sur le Katanga.
« Tout ça ne nous rendra pas le Congo »
comme dit la boutade restée célèbre par ici.