Album d’inconnus dans « la patrie d’eaux » de Marguerite Duras.
Comme il est bon de se promener dans les différents albums d’inconnus, chez Elisabeth K.L.
L’autre jour dans un lot chiné sur le net,
elle tombe,
par hasard,
sur un petit trésor datant de l’Indochine…
Évidemment,
ça fait rêver,
tu ne sais pas de quoi se compose la boite ;
du banal ou du grand art ?
Une réalité quotidienne transcendée par le temps ?
De la nostalgie en branche ?
(Je reviendrai un jour sur le sujet).
Elle a fait un album
(sur un réseau social fort connu dont je tairai le nom)
et a mélangé cette famille lambda et une certaine Marguerite.
Mais, je lui laisse la parole…
…
Les jonques, le port, le bungalow, la véranda, la blancheur éclatante des costumes des européens, les femmes coiffées de chapeaux des années trente, leurs cigarettes, les buffles, une voiture noire aperçue près de la rivière, un barrage, le brouillard et puis l’eau surtout. L’eau partout. C’est un peu de l’enfance et de l’adolescence de Marguerite Duras, que l’on retrouve sur ces petites photos (6 X 5,5 cm) arrivées jusqu’ici.
Au dos de l’une d’elles, la mention d’un lieu – le rocher de Minh Binh – et une date – juin 1930 – renforcent encore cette proximité. Minh Binh, dans le delta du Fleuve Rouge, entre la mer de Chine – le « Pacifique » de MD – et Hanoï. Hanoï où, avant le Cambodge, Henri Donnadieu sera nommé à la tête du collège du Protectorat. On est alors en 1917 et Marguerite, née le 4 avril 1914 à Saïgon, n’est encore qu’une toute petite fille.
« Hanoï… Cloaque infect trente ans auparavant, la ville, quand la famille Donnadieu y débarque, est devenue un mini-paradis parisiano-tropical. Dans la rue principale, les salons de coiffure parisiens jouxtent les parfumeries luxueuses, les magasins du dernier cri et puis tous ces cafés, café du Commerce, café de la Place, café Albin et, surtout, le café Beine, où Mme Beine, cantinière en retraite, vient à la fraîche sur la terrasse, vêtue de sa capeline, servir de l’absinthe aux officiers de la citadelle. Au cœur de la vieille ville, des pagodes ont tout juste été détruites pour permettre la construction des nouveaux bâtiments administratifs: la Marine, le Trésor, la Poste, la Résidence. Au bord du lac, des promenades ont été aménagées comme dans les jardins
publics français; sur le lac, les jeunes militaires montrent leurs muscles en pratiquant le canotage. Avant la mousson, quand le ciel se voile, on pourrait se croire dans une allée du bois de Boulogne, un dimanche d’automne, avec tous ces jeunes gens si bien habillés et ces jeunes femmes à bottines s’abritant le visage derrière des ombrelles ouvragées. »
(Laure Adler, Marguerite Duras, Biographies Gallimard).
Treize ans plus tard, quand sont prises ces photos d’anonymes, c’est la rencontre de MD avec l’amant à Sadec, petite bourgade endormie à 150 km de Saïgon, coincée entre deux bras du Mékong.
« Je descends du car. Je vais au bastingage. Je regarde le fleuve. Ma mère me dit quelquefois que jamais, de ma vie entière, je ne reverrai des fleuves aussi beaux que ceux-là, aussi grands, aussi sauvages, le Mékong et ses bras qui descendent vers les océans, ces territoires d’eau qui vont aller disparaître dans les cavités des océans. Dans la platitude à perte de vue, ces fleuves, ils vont vite, ils versent comme si la terre penchait.
[…] Sur le bac, à côté du car, il y a une grande limousine noire avec un chauffeur en livrée de coton blanc. Oui, c’est la grande auto funèbre de mes livres. C’est la Morris Léon-Bollée. La Lancia noire de l’ambassade de France à Calcutta n’a pas encore fait son entrée dans la littérature. »
Et dans cet album, les photos d’inconnus voisinent avec les rares images retrouvées dans les souvenirs de la famille Donnadieu.
…
(Avec l’aimable autorisation d’Elisabeth K.L.)
c’est vrais que parfois à travers des albums d’inconnus on peut tomber sur des trésors qui apportent un regard différent sur la famille de cet inconnu et sur les raisons pour les quelles il (elle) les gardait comme un trésor ; Belle trouvaille ici!
Pendant que les belles européennes paradaient en rizières de diamant, un petit homme caoutchouc en buffle- coat grandissait n un vil Hô-Chi-Minh qui, peu reconnaissant de l’assainissement des cités impériales, submergea l’armée des colons dans une infecte cuvette…Vous reprendrez bien un peu de brousse!!
Images, imagination …
L’image pérennise le passé, l’imagination la projette dans le futur …
Vic Muniz a une autre façon de rendre hommage aux humains d’avant :
https://www.rencontres-arles.com/C.aspx?VP3=CMS3&VF=ARLAR1_52_VForm&FRM=Frame:ARLAR1_74
… les humains d’avant …et pour le Paris d’aujourd’hui, je me rappelle le texte du Paris de Marc Lavoine, qu’il chante aussi avec Souad Massi : http://musique.ados.fr/Souad-Massi/Paris-t102840.html
Choisissez la vidéo qui vous convient.
alex-6 : c’est clair que la mémoire « perdue » des autres est toujours étrange et proche de nos propres images.
patrick verroust : quand j’y étais il y a deux ans, à la même époque , je me disais que les Français et les Américains n’avaient pas dû en mener large, là-bas…
la d@me : voilà ! C’est fait
le deux
🙂