Faut-il que je te raconte pourquoi cette femme est belle? (suite de « Le dispensaire d’Elisabethville… »).
… En plus de quarante ans les différents services n’ont pas changés d’endroit…
Nous traversons l’hôpital de part en part, avant d’arriver dans cette coursive à ciel ouvert, qui parcourt les jardins, du linge pend ou est étendu à même le gazon.
Je vole quelques images au passage…
On ne se refait pas…
Mes fantasmes viennent d’ici: j’assume.
Nous arrivons à hauteur de la maternité et nous nous présentons à la sage-femme en chef pour la forme et comme l’exige le protocole pour des visiteurs qui n’ont rien à y faire.
En parlant avec elle, je lui explique que ma soeur et mon frère sont nés ici, il y a kala-kala (longtemps), sur ce, elle me dit qu’en fouillant dans les « archives » on pourrait retrouver leurs traces, je lève les yeux au ciel en moi-même, me disant: « impossible, ma chérie, t’as vu le pays en ruine dans lequel tu vis, les guerres traversées, le chaos et le délire des hommes… Tu rêves! ou tu vas nous faire revenir dans cinq jours, moyennant pourliche… »
Mauvais que j’étais.
Elle nous entraîne, alors, dans son bureau, une petite pièce exiguë avec une méchante petite table et trois chaises tenues à l’oeil par deux armoires en fer…
Elle ouvre l’une d’entre elles et, de l’étage supérieur, retire cinq registres,
style livres de comptes,
j’y crois pas mais commence à vaciller sur mes préjugés,
à croire au miracle.
Je doute encore, pour la forme.
L’ivre de contes, que je suis, va être servi.
Là, en feuilletant, les registres, toutes les naissances sont répertoriées,
depuis fin ’40-début ’50…
Un trésor!
les mains et les doigts arachnides parcourent les dates, les noms, les heures…
Noirs, blancs, métis…
Tous mélangés dans le répertoire de l’arrivée à la Vie.
Quand en ’63 et en ’67, ils sont là,
respectivement deux kilos deux cents pour l’une
et trois kilos quatre cents pour l’autre…
Un mois avant terme pour l’une,
dix jours après terme pour l’autre…
Elle peut être fière, de son petit effet, cette bien nommée « sage-femme ».
Elle vient de me faire vivre ma première grande émotion du voyage,
le lendemain de notre arrivée.
Elle s’esclaffe consciente du bon tour qu’elle m’a joué
Je la serre très fort dans mes bras
cette vaste parcelle d’humanité…
* * *
L’histoire en images.
Continue d’accoucher des vies
et de donner des émotions
telles que celles là
chère Mama-accoucheuse.
Je thème sur ton histoire.
Je sais pourquoi cette femme est belle (e sage).
(et sage)
Pardon.
Toi qui aimes les cahiers, les registres et les écritures appliquées, tu es servi !
Et moi aussi je sais pourquoi cette femme est belle : c’est parce qu’elle est gentille et souriante (c’est ce que Christophe voulait dire ?) et la bonté ça rend beau !
Je ne suis donc pas sage-femme.
(Pffiou, c’est émouvant tes histoires !)
(Amabotte aussi est née après terme)
Madame de K, je ne vous le fais pas dire.
@Chr. Borhen & Chr. Borhen: je vous savais père Spicace et pour le reste, cela va de soie dit le ver.o)
@madame de K: aux anges!… Et convaincu du reste:
pour l’anecdote, j’avais emporté dans ma valise un tas de vêtements dont elle a hérité le dernier jour de mon séjour, nous y sommes retournés… Je ne te raconte pas ce visage confit de gêne, et de gratitude. irradiant de remerciements: « avec mon p’tit sac j’avais l’air d’un c.. Ma mère!… »
@Anna de Sandre: des moments comme celui-là, j’en ai eu cinq-six sur quinze jours: que demander de plus dans la vie et face à la situation chaotique que connait cette » plus belle région du monde »?!
@Chr. Borhen:…;o)
Ah que c’est bien, ça, quelques traces dans un cahier et c’est là, on ne se souvient pas, mais c’est là, consignés, gardés, écrits ces mots qui disent la vie. Belle cette femme, oui.
Ruptures et continuités dans les anciennes colonies ; outrepassant la géopolitique : le cœur humain.
Et toi Dionysos, où es-tu né ? (l’as-tu dit ?)
(Pas trouvé de mot d’esprit avec maïeutique…)
@Brigitte Giraud: « … c’est là, consignés, gardés, écrits ces mots qui disent la vie »… Irrémédiablement là, depuis tant de temps.
@augenblick: ne dérangeons pas maïeutique pour si peu, tu veux!o)
pour ma part je suis né à Kolwézi…
Mais lorsque j’étais à Lubum. c’était (relativement ) dangereux d’y aller…
La route entre Likasi et Kolwézi est régulièrement infestée de types qui rançonnent soit de jour, soit de nuit… Tantôt des camions, tantôt des voitures…
Je ne retournerai J A M A I S là bas,
j’ai vu le lieu de mon enfance,
non celui de ma naissance: il faut rester (un peu) sur sa faim.
Par procuration, peut être qu’un jour… .o)
Il est cinq heures…
@Anna de Sandre: voili-voila… Café? thé? croissants?
Thé-chocolatine-pain-beurre-confiture merci :o)
Couque au chocolat pour toi ?
Ô que j’aime cette histoire, en mots et en images, ces sourcils froncés du doute du dernier moment, et ce lumineux sourire du « bon » tour joué ! Je suis sage pour d’autres images comme celles-ci : Mbala lisusu.
@Anna de Sandre: ou couque au beurre et gosette au pommes avec une « baguette de pain Français »…;o)
@la dame: ça s’est passé comme ça; il y en aura d’autres.o)
je t assure qu elle a eu autant de joie que toi en te donnant ce que tu ne pensais pas trouver..c est un beau métier parfois..
mais par contre qu est ce qu une gosette aux pommes??! lol
@gosetto: une « gosette aux pommes » est à la Belgique ce que le « chausson aux pommes » est à la France…
Evidemment avec un patronyme pareil j’aurais du me douter de la question!:o)
Oui, oui raconte encore!
@Enfantissage: ça vient ça vient… me roule une clope et remplir au thermos, j’arrive.o)
C’est très très émouvant, cette histoire de vies qui commencent et recommencent à travers l’histoire d’elles. La vie a des ressources insoupçonnées, insoupçonnables… et d’autant plus foisonnantes qu’elles sont insoupçonnables…
@aléna :… V’oui hein ?!o)