Si on te propose Obala, refuse ! excepté pour y rencontrer le fou.(II & fin).
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Donc , disais-je, en dehors d’être une “charmante petite bourgade”,
Obala possédait son fou.
Et quel fou !
Celui-ci était sympathiquement bouilli :
propre sur lui, pantalon kaki légèrement trop court
sur des chaussettes dépareillées et des lacets de corde aux chaussures.
Sous un tablier blanc immaculé, de laborantin,
il arborait une chemise Haoussa brodée à l’effige d’El Hadj Ahmadou Ahidjo (le président à vie d’alors… Qui est mort depuis… Avec les honneurs de la France et tout le tralala !)
ceci achevait de lui donner l’air de sortir de son labo après une découverte capitale pour l’humanité.
Beau noir légèrement enrobé,
le bonhomme arborait une calvitie discrète renforçant son petit côté savant…
Toujours cordial, amical et chaleureux il était dans sa bulle vaquant, toute la journée, à la pente douce de sa folie.
L’homme avait passé une partie de ses études à Nantes, Bordeaux et Louvain,
puis était revenu légèrement trop cuit au pays…
La fuite des cerveaux ne le concernait plus que très peu.
Sans être obséquieux, en vous abordant, il vous entretenait de la famille royale comme s’il avait été à Laeken encore ce matin devant, sans doute, y déposer quelque chose…
A dix milles kilomètres de là le contraste était saisissant…
Croyez-moi.
Les détails sur le palais,
la vie de famille des souverains,
leurs habitudes et petites manies,
rien n’avait de secret pour lui :
il trouvait Fabiola un chouïa trop catho à son goût et son Baudouin de mari pas assez entreprenant pour la suite de la dynastie…
Il avait bien quelques idées à ce sujet,
mais, jamais la cour n’aurait voulu d’un batard café au lait pour succéder à ce souverain sensible…
Déjà que le royaume était en proie à des problèmes communautaires…
Alors un souverain nègre, vous pensez mon bon monsieur !…
Là, il faisait force signes de désolation, levant ses yeux au ciel,
éclatant d’un rire carnassier et sonore un peu trop long au goût de Devriend
Au hasard de la journée il le rencontrait et l’entretenait de la situation en Belgique…
Il avait déjeuné, au palais, avec le roi pas plus tard que ce midi et Fabiola lui avait demandé des nouvelles de monsieur Devriend…
Elle était on ne peut plus ennuyée par cet état de chose.
Vraiment cette situation ne pouvait pas durer :
cette femme, ces enfants…
Loins de leur époux et père.
Lui, Essomba Dodo-Gbendu Ignace, allait accélérer la procédure d’expatriation auprès de la cour.
Les trois gosses et cette dame (qu’il brûlait de rencontrer) rejoindraient très bientôt ce Belge si sympathique…
Et au cas où monsieur Devriend aurait eu des soucis (bien compréhensible après toutes ces émotions) il se faisait fort de « dépanner » à l’aide de son bengala (*) pas du tout mi minki (**) la femme de ce blanc épris de culture (tout comme lui) en attendant que ça lui revienne :
entre gens du monde il fallait bien s’entr’aider.
Parfois il débarquait en plein milieu d’un cours et poussait un grand :
– Vraiment ! ce n’est pas possible ! situation de crise monsieur Devriend un peu comme dans votre pays !
le regardant dans les yeux intensément, puis il tournait les talons aussi sec pour en faire part à la cour immédiatement.
L’autre continuait son cours de la façon la plus naturelle qui soit :
O, Wonder!
How many goodly creatures are there here!
How beauteous mankind is! O brave New World!
That has such people in’t! (***).
Les chèvres repassaient en sens inverse
avec leurs bêêêhh toujours aussi dubitatifs quant à l’utilité de tout ceci,
toujours suivies par le cochon, décidé sur la troisième, celle avec une tache noire sur le côté.
Le pangolin relevait le sourcil gauche de plus en plus nerveux sur la suite de sa journée.
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Epilogue : monsieur Devriend obtint sa mutation à Douala.
Sa femme et ses enfants l’y rejoignirent.
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(*) : zizi.
(**) : très petit.
(***) : « O, merveille !
Combien de belles créatures vois-je ici réunies !
Que l’humanité est admirable ! O splendide Nouveau Monde
Qui compte de pareils habitants ! »
« le royaume était en proie à des problèmes communautaires » déjà à l’époque ?
Sinon qu’est-ce qui te fait dire que Ignace est fou ? le fait qu’il veuille engrosser la reine ?
« How beauteous mankind is ! » (ça sera le mot de la fin)
J’ai bien connu Essomba! C’était un de nos meilleurs agents en Afrique! une pointure! Ah tu t’es fait avoir comme les autres, il savait jouer son rôle à merveille!
Enfin, moi je dit : Dommage pour la Belgique!
@madamedekeravel : fin ’60 ça commençait… Un peu plus tard ce fut la scission Louvain (l’ancienne, flamande et à Louvain) et Louvain la Neuve en Brabant wallon pour les francophones…
« words, words, words ! »
@Depluloin : ils s’appellent tous Essomba ! ;ç)
… Tu crois que c’était un agent secret ?
Essomba 117! Sûr et certain! (Le 114 voulait pas retourner en Afrique, on l’a envoyé en Laponie déguisé en Lapon, pays où il a fait une assez belle carrière aussi…)
🙂
Moi bengala très mimi minki… C’est grave Docteur?
« il était dans sa bulle vaquant, toute la journée, à la pente douce de sa folie. »
j’aime beaucoup cette phrase; je pense que tous nous passons notre temps à ça en somme. Avec plus ou moins de bonhommie.
Ne me lasse pas de ton Afrique je te dis.
Mais il est très sympathique ce fou, et ma foi fort bien élevé.
Ce que je préfère dans ce texte, c’est quand même le deuxième passage des chèvres – métronomique!
@Depluloin : il a du avoir froid !
@mlle d’enfer(t) :o)
@Depluloin : poussez monsieur ! poussez !
@kouki : il y en a d’autres dans le genre…
Crois moi…
Le prof d’anglais, de géo, d’histoire…
Faut que je me rappelle.o)
@aléna : elles me servent bien à boucler l’histoire…
Je me demande même si ça méritait un épilogue.
« …il était sympathiquement bouilli! » haaaaaaa j’adore c’est si follement blanc !
Isabelle C. : ça ou « bercé trop près du mur » restent mes préférées ;o)
T’écris très bien. Les souvenir d’enfance rendent plus doué, non? Non, mais… sérieux! Je me moque pas. Tu fais quoi?
La photo d’hier et celle ci, sur mon flux rss, se trouve côte-à-côte. Étrange perspective de cette pièce, deux faces d’une même chose. Ça donne le tournis un peu.
Charmante petite histoire.
Oui oui, on veut l’épilogue! enfin si tu n’as pas trop bu…
Il faut vraiment tout lire ? (c’est long)
M’enfin ! Qui a chouravé mon commentaire ? Luc, bloque la sortie, je vais faire une fouille au corps.
C’est drôle : les femmes croivent toujours qu’on a trop bu! On se demande pourquoi?! (T’es où toi?! Ke tu fous?!!)
@Depluloin : je fais un chateau de sable… Je mettrai des coquillages aussi.
@Oriane : j’imagine !;ç)… cette classe était magique, datait de 1910… Lukafu, bled perdu.
@aléna : le vin d’hier tannait ! (pfiouuu !)
@AdS : à mon gout aussi… Elaguer était difficile, en trois épisodes pêle-jonc… Et puis comme que c’était dimanche comme qu’on disait…
@Frédérique M : oh oui une fouille au corps ! ch’uis prêt !
@Depluloin : je bois.
Et ménant? tu fais quoi? (1910? On construisait solide et utile… ) T’es là?
@Pepluloin : ah ! c’est toi !? tu m’a fait peur ! sot va !
Et ménant, je fais quoi moi? Je peux sortir le train électrique?
@Depluloin : que fiche d’autre ?… T’as la gare ?
Oui, et puis le tunnel et le passage à niveau qui marche plus, fais attention avant de traverser! Après on joue à quoi?
@Depluloin : on pourrait aller voir le filles,
chez la madame André parait qu’il y en a de nouvelles !;o)
Oh oui! des fifillles! des fifilles!! Bon, je vais aller voir dans ma tirelire!! Va prendre ta douche toi! tu vas leur faire peur!!
Ah… c’était une blague? Rôooooh!
@Depluloin : t’as des sous laids ?
@ L…………uc : Ze comprends pas. (Rôooooooh!) Et toi?
@Depluloin : toi, t’as pas beaucoup dormi.
C’est vrai, j’ai beaucoup travaillé! Et j’ai pas vu l’heure tourner! Ce soir, gros dodo! bon gros dodo!
Oublie pas de ranger le train électrique hein!
@Depluloin : où t’as planqué la boîte nom de nom !?
t’es d’jà au pieu ?
Euh… j’l’ai prise pour mettre mes soldats! Allez, c’est pas grave, t’as qu’à le laisser là ton train! … Allez, au dodo maintenant!
@Depluloin : t’es chié quand même !
tu m’possède !
pfff !!!
Ben alors? Ça vient?! J’attends moi! …
Euh, ne vous dérangez pas pour moi les garçons, je ne fais que passer. La Reine Fabiola ? Elle n’est pas morte?
Bonjour,
j’aime bien ton commentaire reportage qui nous rappelle qu’étudier c’est comme disposer de l’eau douce, ça n’est pas donné à tout le monde. Je pense que dans ces territoires ce n’est ni des fous ,ni des sorciers dont on a besoin mais de « Sourciers » pour faire de l’école un long et beau fleuve tranquille.
Aussi bizarre que ça paraisse j’ai connu dans ma jeunesse un plombier qui faisait aussi le sourcier avec un morceau d’arbre en Y et qui ne se trompait jamais ;le problème pour lui c’est qu’après il lui fallait plusieurs jours pour se remettre de sa fatigue nerveuse.
bonne semaine
@Depluloin : ouala ouala !!! je me suis fait avoir par l’internet de la boîte… Pas d’internet ! pfff !!! font suer !
@zoë : mais non toujours sous ses chapeaux improbables ;o)
@alex : un plombier sourcier…
Quel beau métier à double tranchant…
Pléonasme liquide…
C’est presque du Marcel Aymé ;o)
j’aime … sympathiquement retranscrit!! j’ai eu l’impression d’y être … sur Yaoundé dans les années 76-79 j’habitai sur la route d’Obala … merci pour ce récit imager !!! je partage …
p.s. merci pour la visite … possible que je l’ai croisée effectivement si elle était à l’école JOss (petit joss)
@isabelle : bienvenue et merc(k)i de votre visite…
Ces souvenirs datent de ’70 environ…
« petit Joss », ça fait des années que j’avais oublié ce nom là !;o)