… Et tu me demandes si j’ai connu Eva ?
Que je te parle de ses « R » qu’elle roulait,
de sa voix rauque et basse comme personne,
vieux restes de cette vie passée en Russie,
en Ukraine plus exactement, trente-cinq ans !…
Au milieu de ses napperons, patchworks bigarrés recouvrant les fauteuils, tu avais du mal à te frayer un chemin entre la table, les chaises et les armoires vitrées abritant tout son petit monde de poupées en robes traditionnelles rouge-vert-blanc faisant la nique aux matriochkas stupides et impavides…
Les dentelles des unes contre le bois vernissé des autres.
Toutes dans leur étrange silence d’apparat… Attendaient.
Tu écoutais en silence cette femme presque octogénaire qui faisait encore des « ménages » dans les ambassades et qui, cousine germaine de mon grand-père, connaissait toute la généalogie de la famille : la mémoire des différents hurluberlus, loustics et asticots excentriques qui s’étaient perdus en Amérique au moment de la ruée vers l’or, montreurs d’animaux, de puces savantes ou de papillons rares, anarchistes à la petite semaine ou bandit mourant dans une fusillade de saloon de l’Arkansas plutôt qu’à Seraing
Mais là, je m’égare… Faut me le dire ! C’est une autre histoire !… Une autre fois peut être…
Eva retournait encore en Russie tous les deux ans, les bras chargés de cadeaux pour « sa » belle-famille, les valises bourrées de jeans, de t-shirts, de café, de cassonade, de chocolats pour donner à plus pauvre et démuni qu’elle… Sainte femme !
Elle avait encore de ce pays, de ces gens, le sang, la générosité, l’abnégation, l’art du partage…
Et en plein hivers te faisait goûter ton premier caviar et tes seize ans s’arrosaient de sa meilleure vodka planquée au freezer au côté de petites soeurs à explorer…
Le liquide huileux partait coloniser les moindres recoins et papilles de l’estomac avant que de remonter en effluves charmeuses à la tête et dans les idées.
Le teppaz, lui, sciait les refrains pourris et sourds des coeurs de l’armée rouge…
Les matriochkas entamaient alors une danse envoutante au son de cette lente mélopée des steppes… Les autres poupées emboîtaient le pas de bonne grâce.
« Step by step » tu sombrais…
Jivago allait débarquer dans les cinq minutes et tu tomberais éperdument amoureux de Julie Christie.
L’autre te resservait du breuvage magique et, le caviar du début n’était plus qu’un lointain souvenir, quand un bortsch roboratif arrivait à sa rescousse pour éponger l’alcool ingurgité jusque là…
Eva gérait… Le bortsch était resservi jusqu’à plus.
Les petits yeux de gras te mataient comme te disant
– Nous allons colmater les brèches de l’alcool… Il faut que tu aies confiance !
C’est alors que l’autre te sortait sa botte secrète…
Ses pâtisseries sucrées empruntées à l’Orient, à la Turquie…
Baklawas et gâteaux au miel, à la pistache ou aux amandes,
kataïfis à chevelure d’anges et dragées bourgeonnaient comme par enchantement,
sur sa nappe fleurie…
Pour venir au secour du bortsch, toujours, voyons !…
Les matriochkas, elles, dansaient floues et nues à présent…
Tu percevais ce que la vie de cette femme avait été entre les révolutions et les guerres civiles les disettes et les pertes successives d’êtres chers…
Elle s’était mariée très tôt à un russe blanc, une fille et un garçon avaient vu le jour, puis…
La famine, le marché noir, la viande avariée dont il était préférable de ne pas savoir la provenance… Peut être ton voisin de palier disparu deux semaines plus tôt, débité en aimables escalopes et vendu quelques centaines de roubles pour changer du chat ou du rat.
Cette vie et celle de son mari (trop peu connu et tué par les rouges) de son fils « noyé » dans la Volga (les rouges encore)… Elle en avait laissé son coeur là bas pour n’en ramener que l’âme mais quelle âme !…
Du Slave en branche, à l’état brut, la générosité même, le bonheur des choses simples, l’esprit libre et moderne… Elle n’avait pas attendu ’68 pour faire « sa » révolution.
Ne s’était pas remariée mais avait eu des amants…
Pas beaucoup mais jamais aucun n’était arrivé à la cheville de Son Prince !
Libre elle était, morigénant gentiment de sa voix (Ô sa voix !) les parents en leur disant que le « petit » avait bien le droit de faire des bêtises, d’avoir des petites amies, de faire sa vie, de voir du pays.
Les maudites poupées callipyges et gigognes,
de plus en plus floues, se multipliaient,
sortant les une des autres,
se reproduisant à l’infini…
Eponger l’alcool…
Reprendre un kataïfi,
toutes ces Rididines continuant leurs danses derrière la vitrine.
A présent Julie Christie se détachait nettement du lot et s’approchait…
Je crois que ce fut mon premier coma éthylique.
Eva était aux anges, elle était parvenue à éloigner les parents ;
ils étaient rentrés, quelque peu inquiets et j’avais dormi dans le canapé chamarré aux couleurs de mon estomac, lui qui se refusait à rendre toutes ces choses ingurgitées au nom de la révolution d’octobre.
A présent elle me faisait du café noir et du pain perdu cuit au beurre de sel arrosé de cassonade brune pour me remettre d’aplomb… Qu’elle disait.
M’invitant à revenir avec mon amie…
Et si j’en avais une autre ou plus,
ce n’était pas un problème…
On se verrait plusieurs fois…
– Après tout, l’amour c’est comme les chaussures, il faut en essayer plusieurs avant de savoir celles qui te vont le mieux… Non ?
Elle avait encore mal aux pieds d’avoir recherché « un amour » tel que son russe blanc.
… Et tu me demandes si j’ai connu Eva ?
(Tatiana à l’Union, 2010).
ça m’inspire ton histoire !… t’vas voir tiens ! 😉
mais alors …….ça m’rappelle mes souvenirs du temps du tsar à venir…..
mon amant, le russe blanc, sur sa mule décrépite …
mon gilet en peau de lama ou d’élan ….
c’est avec la taïga en fond de baïkal que je te bise le bout du nez gelé et que je pense peut être ce soir une union d’un godet de vodka pour fêter ça?
#
@madame de K : quoi !? des menaces ?
#
@tatiana : Crois-tu que ce soit raisonnable dit le verre…
aller, viendre !…
Vodk@ tu crois ?…
Bon après tout…
Mais pas taralor !;o)
Quel voyage ! J’en reprendrais bien un p’tit verre … suis scotchée !
M A G N I F I Q U E !
Ben non, je te le demande plus maintenant! Yoooo! quel texte, son Luc! A lire le soir de préférence à la lueur de la lampe à pétrole… (J’ai un truc sur l’estomac moi aussi… ta faute! … t’aurais pas un café?) … Julie Christie, Eva… T’as pas trop de soucis à te faire si tu as du sang russe ukrainien, avec ce que tu as bu au biberon en plus… (Je crois qu’on n’a plus vraiment idée de ce qu’étaient les russes blancs. J’en ai connus quelques-uns… à peu près du même tonneau! … Reste plus que la racaille et les voyous. De la même façon qu’un pays a vu ses élites massacrées… Lénine, plus de sang les mains que le gamin Staline…)
Je reviendre pour… (Quoi? Je le fais jamais d’habitude!)
pour toi : http://salon2k.canalblog.com/archives/2010/10/25/19422659.html
les matriochkas impavides, puis floues et nues, enfin qui s’emboitent et Julie Christie qui sort du lot juste avant le coma, génial, le reste s’articule autour et prend vie, on sent l’odeur du bortsch et presque l’écoeurement ! Ah, voilà du son Luc à fond, comme on aime, avec toujours le presque rire qui tire de trop s’épancher.
Me penche; une bise.
M’enfin ! ça fait trois fois que je tente mon com … pfffff
Je disais: suis scotchée (ah béh c’est p’têt pour ça)
je disais: quel voyage !!
et enfin:
M A G N I F I Q U E !
Aah l’or lu ci ! Et de ces titres comme souvent qui t’assoient dans l’fond du fauteuil.
… Où le narrateur prend son pied ;o
« et j’avais dormi dans le canapé chamarré aux couleurs de mon estomac, lui qui se refusait à rendre toutes ces choses ingurgitées au nom de la révolution d’octobre. » j’adore !
que sont exactement des rididines Luc ?
Un petit bijou de remembrance. Ton Eva me fait penser à la mère de Romain Gary (« Les promesses de l’aube », à lire si on n’a pas encore). Tu métisses bien gravité et humour.
…. »pour n’en ramener qu’une âme »… C’est décidément, définitivement, superbe, Luc! (Je lis, moi!) … Tu devrais continuer. Pour ceux qui ont de sacrés trous dans leur généalogie. Paraît que lorsque l’on sait d’où on vient, on est plus à même d’aller où on veut… (La ruée vers l’or, allez! combien tu veux? Deux soldats et un chevalier a’c le cheval! Nan?)
Enfin, pas étonnant que tu aies la bougeotte! On (les français) s’imaginent toujours le belge planté entre ses moules et ses frites. Le français de France est obtus. Un mien ami, grand reporter, a rencontré un belge – qu’il m’a présenté par la suite à Paris – dans des conditions surréalistes. Dans l’avion, un airbus tout neuf qui faisait du rase-mottes au-dessus du désert sans parvenir jamais à prendre de l’altitude, il y avait un type qui n’était pas blême, ce belge, hilare, tranquille comme Baptiste. Ils discutent, boivent des coups tandis que les autres font leur prière tournés vers la Mecque. Ils se quittent en arrivant. Au cours de son reportage, éprouvant à bien des égards, paumé dans le désert, mon copain découvre soudain une silhouette improbable au loin, costard blanc, panama, « son » belge, contemplant l’immensité. Il avait une concession sur une carrière de marbre rose, en plein nulle part donc, qu’il était venu surveiller, comme ça, comme on va jeter un œil sur son champ de blé… Merk! Encore trop long!!
Tu m’en veux pas hein, je sors!
… Et alors figurez-vous que notre Belge, après quelques ouïsky’s au Soudan, après un petit détour par l’Italie où il vendait son marbre, repartait frais comme la rose où il possédait une carrière de granit je crois bien qu’il revendait en France… Je dis : Monsieur!
Couac? Ça y est, elle est finit l’histoire! T’aurais pas de l’eau pour mon pastaga? Juste un peu quoi! Allez!
… « il repartait pour la Chine, où il… » Merk! ai l’air d’un c… ! Non, deux zana madok vodké bien glakées! hop! hop! … c’est où la sortie?
De beur !
4.
Isabelle C. : ana vodké Madok pour Isabelle !!! Et hop ! et qu’ça saute !
5.
Depluloin : Ils faisaient des astuces des ruses de Russes blancs sûrement ;o)
6.
madame de K o: oh ! merc(k)i-merc(k)i… Je sens que je vais faire la collection si ça continue… ;o)
7.
kouki : moi j’aime vraiment bien les bises à Kouki… et ses embrassades aukki… Je dis « aukki » passke c’est « Kouki » et pas « Soucis » sinon j’dirais « aussi »
8.
Isabelle C.: ouala ouala… Je ne sais pas où tu es allée trainer… Mais tu étais dans mes spams avec des vilains qui veulent vendre du viagra et faire gonfler des trucs qu’il n’y a pas besoin… Bref, je t’ai tirée d’affaire…. Fais plus des p’tites blagues comme ça lapin !
9.
mime : et pas un peu que je m’amuse à broder ce patchwork de sentiments mêlés… .o)
10.
b-obi² : les »Rididines » c’est les petites amies de fiction…. Heu ! non c’est MA Rididine quoi ! ma tartine, mon p’tit coton-tige-en-p’luche, mon gigot, mon… Mon…. J’continue ?
11.
zoë : hou ! ça me dit quelque chose… Je me demande si j’ai pas lu y a longtemps… ? ça passait comme une « couque » comme on dit par ici ;o)
12.
Depluloin : les histoires dans les commentaires j’adore… Encore Oncle Pluplu !!! raconte-nous comment t’as zigouillé le lion avec un cure-dent passke t’avais d’autres choses à faire avec … Nan j’vais pas dire…. ça risquerait de la compromettre auprès de son mari !
13.
Depluloin : tutt’ zuitt’ tu veux le syphon pour ton pernod ?… Y en a de la fraîche !
14.
Depluloin : j’en ai connu des Belges comme tu racontes, parfois biens, parfois d’aimables crapules sympathiques… La vie quoi !;o)
… Continue, ça les occupe, moi j’dois aller bosser… Le billet du jour s’ra compromis… J’entend la cloche ! merttt’ merttt’ merttt » faut que j’y aille…. Sage hein ?!!!
@anomime : à bisque de bletter semoule tricasse les boyaux d’échapperons alors !!!…
Y a qu’un mot que je comprends pas… c’est quoi des luluberlucs? c’est bien? des gens bien?
Nan… voulais juste te demander : T’as connu Eva? … Oui, je te demande si tu as connu Eva?!!
(Ke tu fais? T’es pas rentré? Bon, moi j’ai tout rangé dans les boîtes comme tu m’avais dit… sauf le train électrique passe que c’est trop compliqué et puis comme ça je pourrai y jouer demain…)
Y a quelqu’un? … T’es pas rentré? plus d’essence? … Bon, ben je vais zouer encore un peu au train électrique alors! (Cette fois, on dirait qu’il va dérailler pile sur le pont! hein?) … Et pi… tu devrais enlever ton pied de sous la chaise à Tatiana! Après tu vas t’étonner que Rididine elle te dise des choses…
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@Depluloin o: « Luluberlucs » dis -moi pourquoi j’y ai pas pensé ?!!! merk’ alors !
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@Depluloin : non c’est qui…. Une copine à toi ? tu me la présente dis ? aller ! sois sympa… C’est pas cool … Elle est où ?
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@Depluloin : parait qu’en Belgique il y a encore de l’essence et qu’il y a plein de camions qui vont dans ton pays pour te donner à boire… Mais on a pas de gouvernement depuis 130 jours… Et ça c’est pas trop grave vu qu’on a de l’essence !
Quelle belle Eva !
Suis de retour, plus ou moins, ai trouvé aussi que c’était une chance de manger avec toi. Je suis toujours surprise quand je lis des mots comme ceux-là. D’accord pour les photos moi qui ai plutôt tendance à être sauvage et à ne pas avoir confiance dans l’image que l’appareil aura de moi.
@Eva : oh !? Une Eva dans l’Eva !… Content que ça t’ail dit la petite gousse… Et pour le reste je fais confiance aux traits qui impriment les pixels ou la pellicule, ils ne se trompent que rarement sur le fil des lignes dès qu’il y a de la lumière… On fera ça, et je t’assure que ce sera un bel après-midi.o)
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