(Nicole Garreau) ignorait au commencement pourquoi elle était restée bloquée sur cette séquence — après tout celle-ci n’avait intrinsèquement rien d’extraordinaire : vous étiez actrice, « La Veuve Couderc » était un rôle comme un autre et comme aurait dit Bourvil c’était votre boulot de savoir tout jouer. Et pourtant il y avait cette scène, tout au début du film, lorsque vous accueilliez le fugitif dans votre ferme, cette scène toute bête, presque secondaire et normalement sans grande incidence sur la narration, cette scène où l’on vous voyait « seulement » attraper une bouteille de vin et remplir les verres. Mazette ! Votre regard, votre expression à cet instant ! Quel uppercut ! Ce que vous parveniez à dire dans ce geste anodin et silencieux ! Là ce n’était plus du jeu ! Toute une vie, toute votre vie, toute notre vie étaient dans ces quelques secondes : l’intention et la résignation, l’espoir et l’autodestruction, la colère et la désolation. En deux mouvements et une moue à peine esquissée ce n’était plus la simple histoire de la Veuve Couderc : c’était l’âme nue de LA Signoret, et à travers elle le récit presque universel de l’âme de presque toutes les femmes acculées dans presque toutes les impasses.
Le film et l’existence pouvaient s’arrêter là ; tout était déjà dit.
Respect infini, madame. Et merci.
…
Texte de Nicole Garreau,
que je remercie du prêt.
paru ce jour,
sur sa page facebook.