Pierre de taille… Et tête de bois.
Dimanche, 6h.10′, le 16.08.’09
(extrait des notes de voyage).
levé depuis 4h., un peu d’internet à la guest’house de l’avenue Msiri, le dimanche peut commencer.
Hier j’ai eu rendez vous LE passé…
Je ne l’ai pas rêvé.
Visite chez Chengé alias Berquin
(l’homme qui sortait de sa maison l’autre jour… C’est la dame qui va être contente…)
Sculpteur de son état et (semi) retraité à présent il a très bien connu mes parents…
Ma mère, dans les quarante six métiers qu’elle a pratiqué, a tenu la gérance d’un magasin d’art Africain dans le centre d’Elisabethville, quelques temps, et ce monsieur ainsi que son frère, peintre celui là, étaient parmi les artistes qui travaillaient pour le magasin.
Au moment du départ en catastrophe, 30 poules, la moitié de la bibliothèque de mon père et quelques vêtements aboutissaient (tout) naturellement chez les frère Berquin et leur petites familles…
Et me voila, quarante deux ans plus tard, sur des oeufs avec ce bonhomme d’une richesse humaine incroyable.
(quoi? il ne sont pas frais mes oeufs?)
Du frère, le peintre, il n’y a plus… Décédé de cela il y a huit ans.
Les lieus j’en avais encore un vague souvenir, la maison à droite au fond d’un long cul de sac dans le dernier quartier de Lubumbashi: Tabacongo.
Je ne raconte pas les péripéties qui m’ont fait le retrouver.
A sa vue des noms (re)surgissent du passé avec une étrange facilité…
(On ne se méfie jamais assez des enfants qui voient tout,
entendent tout,
enregistrent tout
et régurgitent quatre décennies plus tard le nom des choses).
Face à moi, l’homme se tient debout,
bon pied, bon oeil, chaînon manquant entre noirs et blancs,
il est passé à travers les « évènements » du pays avec une force tranquille,
celle de ces essences rares de bois dont la densité fait penser à celle de la pierre.
Simple ça n’a pas été, mais de ce passé, il a fait table rase ne se préoccupant que de l’avenir et de cette mémoire, à cheval sur deux cultures, la sienne et celle de sa femme, pour la transmettre à ses enfants et petits enfants.
Pendant trois heures intenses, de rencontre, nous allons visiter l’atelier avec ce solide gaillard qui fait encore des meubles usuels en tous genres (avec une équipe de jeunes qu’il a formée)…
Quelques bas reliefs, encore, lui sont demandés et surtout il sculpte les futurs cercueils commandés par ses meilleurs clients : le dernier meuble en somme!…
Nous rions de bon coeur, de ce bon jeu de mots, tant la vie, ici, ne tient qu’à un fil, chaque jour.
L’atelier dans lequel j’avais posé deux séances pour mon buste, d’abord en terre glaise puis sculpté dans le bois (« tête de bois! ça ne m’étonne pas » diront certains mauvais esprits que je vois s’agiter au fond là bas!) ne fut jamais achevé pour cause de départ précipité…
Ma mère avait de ces idées parfois!
un buste!
mais passons, l’oeuvre fut inachevée… Heureusement je dirais,
car quarante plus tard je ne te dis pas les arriérés!
L’atelier s’est agrandi, et le maître des lieux nous le fait visiter de fond en comble avec mes compagnons qui nous regardent bouche bées car nous venons d’inventer, Berquin et moi, un des plus beau documentaire qui soit, sans la lucarne de la télé autour: en chair et en os, au dela des mots, nous nous transmettons (parfois silencieusement) de cette infime petite flamme qui fait de nous des résistants ad vitam, alimentés par cette rage de vivre pour donner tort aux méchants…
Halte là!…
Quoi! noble dame, on menace votre personne?…
Mon épée, mon armure!…
Sors de ce corps Jacques, tu n’es plus dans la Mancha!
Où en étais-je?
ah, oui!… Dans l’atelier que nous quittons pour la demeure,
la rencontre avec sa femme est tout aussi touchante…
Elle aussi se souvient d’eux (et non pas « d’oeufs »!)
A l’intérieur les meubles sont fait maison, évidemment,
c’est propre,
c’est grand et le salon, grâce à sa demi rotonde, reçoit une lumière baignant toute chose, comprises les âmes, d’une douce clarté.
Je lui laisse le soin de raconter l’histoire de son père, missionnaire blanc ayant rencontré une fille de la paroisse…
Goûtez.
Prévenez-moi si vous en voulez encore…
Je suis au fond du jardin.
Lubumbashi j seb 319 from luc lamy on Vimeo.
« >Lubumbashi j seb 319
Faudra nous parler des quarante-six métiers de ta mère, un jour…
Il y a un livre avec l’histoire de sa famille !!!!! (Ça me père turbe.)
Dis, tu as du coffre ! 🙂
Le film vaut largement une Fugue et Toccata…es-tu fils de missionnaire ? °0
@Anna de Sandre: à vrai dire je tourne autour du pot depuis longtemps… C’est d’elle, qui n’a plus de mémoire à présent, dont il faut que je raconte l’histoire…
Blixen à côté, c’est un brouillon…
Mais je n’ai pas le talent de Karen!
@augenblick:… Même plus encore; j’étais scotché comme on dit, les deux amis qui m’accompagnaient ce jour là ne s’en sont pas encore remis.
@Sylvaine: non,
mais la position ne m’est pas étrangère;
ils sont légions ceux qui s’en vantent.O)
l’art d’être : un homme 🙂 http://www.dapper.com.fr/exposition-en-cours.php
@Luc : Dis-toi que t’écris mieux que William Boyd si ça peut t’aider ?
@la dame: c’est dans mes plans…
Et question sape je ferai z’attention!
@Anna de Sandre: parce que tu crois que ça me console, ô « cruwêlle »! (comme ils disent par ici)
J’adore la table au napperon et aux motifs sculptés … çà sentait bon dans la maison sûrement ?
« A sa vue des noms (re)surgissent du passé avec une étrange facilité » : et si ce n’était que le chemin pour y accéder, à cette mémoire, que l’on perd en âge hissant …
@kouki: la table est de lui, le napperon de sa femme… Et on a envie de rester.o)
@la dame: j’ai été étonné de retrouver des mots de Swahili que je pensais perdus à jamais…
Et le reste même combat: sidérant.
@L…..uc : vous ai répondu à tous chez Frédaime :o)
@Anna de Sandre: moi aussi.o)
Elle ronfle la Frédaime, elle a pas validé du coup je ne peux pas encore te lire.
@Anna de Sandre: Suspense!… .o)
(… Elle ronfle vraiment?)